Si tu veux bien, je te suivrais jusqu’au bout du monde. Tu voudras bien, n’est-ce pas ? Parfois, c’est ce que je me demande, lorsque tu es là, juste là, toute contre moi. Je me demande si un jour tu partiras. Ce serait bien que non. J’aimerais bien. Je voudrais voir le monde avec toi. Parcourir les routes, et profiter de la liberté fragile et subtile que nous possédons-là. Lorsque la lumière du matin baigne ton visage endormi, je me dis que c’est un miracle d’être ici. J’espère que jamais personne ne nous enlèvera ça. On ne pourrait pas vivre en cage. Tu ne crois pas ?
Tu te souviens ? Tu te rappelles du moment de silence, lorsque nous avons réalisé que la seule chose bonne à faire, c’était de partir d’ici ? Tu te remémores encore, parfois, la première nuit ? Quand nous avons roulé, couru après le temps, sur la route vide, dans la nuit étoilée ? Tout droit, pendant des heures, sans s’arrêter. Je voudrais t’entraîner au sommet du monde. Te montrer qu’il y a encore un peu d’espoir, quelque part. Je suis certain qu’on trouvera. Tu verras.
Dis-moi si tu regrettes. Dis-moi ce que tu penses de tout ça. Montre-moi jusqu’où on ira. Tu penses que le temps nous attrapera ? Peut-être qu’un jour, ça arrivera. Mais j’imagine qu’alors, nous aurons vu tout ce que nous avions à voir, après avoir forcé le destin, en allant chercher nos lendemains un peu plus loin.
Souviens-toi, on est mieux nulle part que là-bas. Je me sens mieux loin de leurs regards avides, jaloux, maîtres et dictateurs. Des yeux pleins de haine, des yeux qui jugent. Je n’aime pas lorsqu’ils nous dévisagent de haut en bas. Comme si notre simple présence avait terni leur monde, comme si on ne méritait pas la place qu’on avait là. Peut-être qu’un jour, ça arrivera. On leur montrera.
i’d burn the world
Peut-être qu’on n’aurait pas dû rester là. J’ai voulu lui montrer ce que ses yeux voulaient voir. Peut-être que je voulais pas que ça se déroule comme ça. Probablement. Mais on aurait dû fuir le campement. On aurait dû partir avant qu’ils ne viennent, ou lorsqu’on les a vus débarquer. Et alors, on n’aurait pas croisé ce gitan.
J’ai jamais aimé la façon dont il te regardait. J’ai jamais aimé les mots qu’il nous lançait. Tu penses que je n’aurais pas dû ? Evidement que non. On aurait dû partir. J’ai été con. Vraiment trop. Mais c’est trop tard pour s’excuser, de toute façon. Il n’est plus là pour écouter. Alors qu’est-ce qu’ils peuvent faire de plus que de nous priver de notre liberté ? Nous séparer ?
J’ai écouté les « on-dit ». Et je suis bien obligé d’admettre qu’ils ont raison sur certaines parties. Ils ont dit que j’étais arrivé au beau milieu de la nuit. Pour le voir, lui. Le gitan. On murmure que, alors qu’il rentrait dans sa caravane, je lui ai bondi dessus. On raconte qu’on s’est battu. A mains nues. On affirme que j’étais animal. Les yeux racontent leur vérité. Je me souviens l’avoir détesté. Lui. Je me souviens avoir quitté le van. Je me souviens de mes mains ensanglantées, et de son corps mort étendu dans l’herbe grillée. C’est tout. Alors, je veux bien croire ce que les autres ont dit. Peut-être qu’au milieu de tous les discours, il y a une part de vérité. De toute manière, ce mec le méritait. Au final, je lui ai offert ce qu’il voulait. La satisfaction de me voir monstre, sauvageon. Comme ses mots l’avaient conté. N’était-ce pas gentil de faire de ses rêves une réalité ?
Tu me pardonneras ? Ou tu t’enfuiras ? Ils veulent nous enfermer là-bas, tu sais. Et alors, on deviendra quoi ? Des lions en cage ? Une meute de loups, acculée à un mur ? Dis-moi, dis-moi ce qu’on fera. Montre-moi que, encore une fois, ils ne nous auront pas.